Hypnose et dépression

 

Depuis quand l’hypnose est-elle un outil de soin ?

L’usage de l’état hypnotique pour soigner remonte aux premiers shamans. Le monde médical l’utilise depuis la seconde moitié du XIXe siècle, d’abord en France puis à travers le monde. Aujourd’hui, la plus courante est l’hypnose éricksonienne. Selon l’OMS, elle fait partie des thérapies dites « non conventionnelles ». Elle est pratiquée en préalable aux psychothérapies spécifiques ou comme thérapeutique en tant que telle, dans des troubles psychiques et somatiques. Dans un rapport publié en mars 2013, l’Académie nationale de médecine reconnaît l’intérêt et l’efficacité de l’hypnose médicale en tant que psychothérapie.2

 

Comment marche l’hypnose ?

Le principe est de créer un état de conscience amplifié, modifiant le champ attentionnel et les perceptions sensorielles, et atténuant la réponse normale aux stimuli externes. On obtient une sorte d’ « hyperéveil » tourné vers l’intérieur, assimilable à une dissociation de la pensée. Ses caractéristiques (sensibilité accrue aux suggestions ou seuil de perception de la douleur modifié) sont mises à profit dans les soins.

Trois conditions fondamentales sont nécessaires au bon déroulement de l’hypnose :

    1. la motivation du patient,
    2. sa coopération
    3. et la confiance qu’il a dans le thérapeute.

Elle est souvent utilisée seule, mais aussi en association aux thérapies brèves stratégiques et/ou solutionnistes.

 

Et l’auto-hypnose ?

Outil complémentaire, l’auto-hypnose est comme l’hypnose à l’exception qu’il n’est pas nécessaire d’être guidé par un thérapeute : elle peut tout à fait se réaliser sans aide extérieure même s’il est conseillé de faire quelques stances d’initiation avec l’hypnothérapeute. Elle prolonge les bénéfices des séances avec le praticien et partage de nombreuses indications avec l’hypnose « classique». Ces dernières années on observe une explosion des ouvrages pour se former à l’auto-hypnose et de multiples sites et applications smartphone en ont démocratisé l’utilisation.

 

Quelles sont les indications de l’hypnose dans les troubles psychiques ?

Récemment, l’Inserm à partir d’une revue de la littérature scientifique et reprenant les propositions de la Société française d’hypnose (SFH) en a élargit significativement les indications.1

De façon schématique, les indications de l’hypnose sont les mêmes que celles de toute psychothérapie structurée. Si le psychiatre ou le psychologue est l’intervenant de choix dans la prise en charge de ces troubles, le médecin généraliste ou un infirmier formé spécifiquement à cette technique sont souvent impliqués en relais ou en première intention dans les formes modérées.4

 

Et dans la dépression ?

Plusieurs protocoles ont été mis en place dans la prise en charge de la dépression 5. Les épisodes d’intensité mineure à modérée peuvent être pris en charge par l’hypnose tout comme les autres types de psychothérapies, seule ou en association avec un traitement médicamenteux. Elle est utile en traitement d’appoint dans les cas plus sévères ou dans les troubles de l’humeur chroniques comme la bipolarité ou la dysthymie (En opposition à dépression majeure, la dysthymie est caractérisée par des symptômes dépressifs moins sévères mais chronique).

On peut également l’utiliser pour traiter certains symptômes qui résistent au traitement pharmacologique (insomnie,  fatigue, douleurs fonctionnelles) ainsi que pour réduire les effets négatifs induits par ces médicaments comme les nausées. L’hypnose a également un intérêt dans la gestion de pathologies fréquemment associées à un épisode dépressif : trouble de l’usage de l’alcool, abus de substances, anxiété.

 

Y a-t-il des risques à faire de l’hypnose ?

D’après une revue exhaustive de la littérature, la pratique de l’hypnose éricksonienne a une relative innocuité et n’entraîne aucun effet secondaire.

En dehors de rares manifestations liées à des sorties de transe trop rapides (somnolence, sensations vertigineuses ou céphalées), le risque principal est la création de faux souvenirs pouvant aller jusqu’à des rappels factices de viol ou d’inceste. En conséquence, sa pratique dans le but de retrouver des souvenirs anciens perdus est contre-indiquée.3

Il est cependant nécessaire de s’assurer  des compétences et du sérieux de l’hypnothérapeute, qui doit avoir bénéficié d’une formation spécifique et prolongée. Méfiance également face à ces trop nombreuses applications pour pratiquer seul l’auto-hypnose et qui ne sont encore que beaucoup trop rarement validées scientifiquement.

Dans tous les cas, il est important de s’extraire des à priori sur cette technique qui a fait l’objet d’une médiatisation tapageuse et bien faire la part des choses quant aux fausses croyances que véhicule l’hypnose.

 

 

Article rédigé par le Dr. Eric Charles

Psychiatre

 

Références :

  1. Inserm U 1178. Évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose. Rapport. Juin 2015: 213 p.
  2. Académie nationale de médecine. Les thérapies complémentaires : leur place parmi les ressources de soins. 5 mars 2013: 33 p.
  3. Collot E. Hypnose et hypnothérapie. EMC (Elsevier SAS, Paris), Psychiatrie, 2002;112 [37-820-B-50].
  4. Schnur JB, Kafer I, Marcus C, Montgomery GH. Hypnosis to manage distress related to medical procedures: a meta-analysis. Contemp Hypn 2006;25:114-28.
  5. Hypnose et thérapie stratégique de la dépression majeure. Megglé D, Doutrelugne Y. Interventions et thérapies brèves. 10 stratégies concrètes. Crises et opportunités, 187, 2016.

 

FR-NPDEP-0352 – Juin 2023