Les formes de dépression

 

Si la présentation clinique d’un épisode dépressif est généralement non spécifique, les symptômes qu’elle regroupe, les différences d’intensité, d’évolution ou de causes qui en sont à l’origine sont hétérogènes. Parler de trouble dépressif regroupe des réalités multiples qui induisent des prises en charge différentes d’une forme à l’autre.1

De façon assez arbitraire on peut recenser ces différentes formes de dépression selon cinq critères : l’intensité de l’épisode, sa présentation clinique (c’est-à-dire les symptômes qui composent cet épisode), le moment de son apparition dans la vie de la personne, la cause et enfin selon le mode évolutif de celui-ci.

 

Selon l’intensité

    • La dysthymie 

La dysthymie pourrait être définie comme une dépression légère qui a tendance à réapparaître de manière chronique. Les symptômes de la dysthymie persistent au moins deux ans, parfois beaucoup plus et durant toute cette période le malade se sent déprimé toute la journée, tous les jours, ou presque.

    • L’épisode dépressif  majeur

L’épisode dépressif majeur se caractérise par une humeur très sombre ou par une perte notable de ses centres d’intérêt ou de sa joie de vivre. Les symptômes se manifestent presque tous les jours, sur une période d’au moins deux semaines pour pouvoir porter le diagnostic. Il y a plusieurs niveaux de gravité, mais un épisode dépressif majeur, même léger, doit être pris en charge.

    • Mélancolie

La mélancolie est une forme extrême de l’épisode dépressif majeur, marquée par un sentiment de désespoir intense. On perd toute estime de soi-même, on se sent coupable d’être malade, persuadé de ne jamais guérir et même d’être indigne de vivre. Surtout, le risque suicidaire est très important, faisant de la mélancolie une urgence médicale.3

 

Selon la présentation clinique

    • Dépression atypique

On parle de dépression atypique en référence à la présence de certains symptômes plutôt inhabituels voire inversés par rapport à une dépression classique : appétit augmenté avec prise de poids, augmentation du temps passé au lit. On retrouve également une sensation subjective d’engourdissement des membres et  surtout une réactivité inhabituelle de l’humeur, particulièrement aux événements positifs.

    • Dépression avec symptômes psychotiques

Dans ce type de dépression, en plus du cortège habituel de symptômes dépressifs, apparaissent des idées délirantes telles que des hallucinations sensorielles ou des interprétations erronées avec un sentiment de persécution et la conviction que l’on vous veut du mal. Plus fréquentes dans les psychoses chroniques ou le trouble bipolaire, on peut cependant retrouver des symptômes psychotiques dans tout type de dépression.

 

Selon le moment d’apparition

    • Dépression de l’enfant

La dépression peut toucher des enfants de tous âges, du tout-petit à l’adolescent.2 Le diagnostic est souvent plus difficile car si vous leur posez la question, ils ne seront pas forcément capables de rattacher des mots à leurs émotions. Mais les signes sont là : baisse d’énergie, perte d’intérêt, troubles du sommeil, de l’appétit, irritabilité et tendance à s’isoler des autres.

    • Dépression du sujet âgé

Difficile de diagnostiquer la dépression chez les personnes âgées. On a plutôt tendance à attribuer tristesse, perte d’envie et fatigue à des signes de vieillesse tout simplement. C’est regrettable, car c’est une maladie très répandue en gériatrie et grave car c’est dans cette tranche d’âge que les tentatives de suicide se transforment le plus souvent en suicide réussi !

    • Dépression du péri-partum

La dépression du péri-partum est un autre trouble grave de l’humeur. On l’associe généralement aux bouleversements hormonaux liés à la grossesse et l’accouchement, même si l’on ne sait pas précisément pourquoi certaines femmes y sont plus sensibles que d’autres.

    • Trouble dysphorique prémenstruel

La plupart des femmes connaissent de légères sautes d’humeur juste avant leurs règles. Cependant certaines peuvent connaître des symptômes beaucoup plus lourds, regroupés sous le terme de trouble dysphorique prémenstruel, forme sévère du syndrome prémenstruel.

 

Selon l’étiologie

    • Dépression endogène versus dépression réactionnelles

Les origines de la dépression soulèvent de multiples théories. Certains spécialistes mettent en cause un déséquilibre qui toucherait la chimie du cerveau, déséquilibre  qui serait en lien étroit avec des facteurs génétiques. Il existerait ainsi des « gènes de vulnérabilité » à la dépression que nous pourrions transmettre à nos enfants.4

A l’opposé une dépression réactionnelle va avoir pour origine un ou plusieurs événements adverses qui font le lit de ce trouble (perte, deuil, accident de vie, …)

    • Dépression secondaire

Il semble que certaines maladies  peuvent être à l’origine d’un épisode dépressif en s’attaquant au système nerveux central. Par exemple, on décrit la dépression vasculaire, dépression à début tardif associée à des atteintes vasculaires. D’autres maladies sont en cause comme l’asthme, le diabète, la maladie de Parkinson ou encore la sclérose en plaques ou le VIH.

    • Dépression iatrogène

Certaines substances psychoactives et médicaments plus ou moins courants semblent responsables de dépression. C’est le cas des corticoïdes, de certains anti- migraineux et anti hypertenseurs, d’immunosuppresseurs et de certaines pilules contraceptives. La liste n’est malheureusement pas exhaustive.

    • Dépression traumatique

Un traumatisme psychique consécutif à une agression grave, une catastrophe naturelle ou une situation de guerre peut conduire la victime à développer un syndrome de stress post-traumatique. Or, l’apparition d’un épisode dépressif est très fréquemment associée à ce trouble.6 Il est également possible de développer un épisode dépressif sans syndrome post-traumatique.

 

Selon le mode évolutif

    • Dépression bipolaire

Le trouble bipolaire se caractérise par l’alternance d’épisodes maniaques ou hypomaniaques et d’épisodes dépressifs, entrecoupés de périodes ou l’humeur est normale. Les personnes souffrant de troubles bipolaires traversent donc des phases de dépression légère à grave. Passer d’une extrême à l’autre peut se révéler particulièrement douloureux, ce qui pourrait expliquer que  les dépressifs bipolaires ont un taux de suicides particulièrement élevé.

    • Dépression unipolaire

Par opposition au trouble bipolaire, le trouble unipolaire consiste à la répétition d’épisodes uniquement sur le versant de la dépression et est assimilable à une dépression récidivante.

    • Dépression saisonnière

Certaines dépressions suivent le rythme des saisons, aussi régulières qu’une horloge suisse. La dépression dite saisonnière, ou trouble affectif saisonnier (TAS) à une évolution saisonnière typique avec un début de l’épisode en automne, dès que la durée du jour diminue, suivi d’une amélioration spontanée au printemps avec un caractère récidivant des troubles d’une année à l’autre selon la même saisonnalité.5

 

Article rédigé par le Dr. Eric Charles

Psychiatre

 

 

Références :

  1. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux 5e éd. American Psychiatric Association Trad. fr. Issy-les- Moulineaux, Elsevier-Masson 2015, 1 114p.
  2. Prevalence and development of psychiatric disorders in childhood and adolescence. Costello et coll. Arch Gen Psychiatry. 2003 Aug;60(8):837-44.
  3. Pathologie dépressive. JP Clément et coll. Psychiatrie de la personne âgée. Seconde édition. 2019. Editions Lavoisier. 694p : 133-51.
  4. Les maladies dépressives (seconde édition). Sous la direction de JP Olié, MF Poirier et H Lôo. Médecone-Sciences Flammarion. 2003. 637p.
  5. La dépression pour les Nuls. E. Charles et coll. Collection Pour les Nuls. Ed First. 2013. 382 p.
  6. A chacun son rythme. E. Charles. Collection l’optimiste. Ed First. 2015. 227 p.
  7. Psychiatric Comorbidities. C. North et coll. In : Clinical Manuel for Management of PTSD. Sous la direction de DM Benedek et GH Wynn. American Psychiatric Publishing, inc. 2011. 468p.

 

FR-NPDEP-0365 – Août 2023